Le paysagiste, ce jardinier frustré devenu dieu mineur.

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Le pouvoir absolu sur la nature, version BAC +5.

Il faut le dire. Le paysagiste est souvent un ancien jardinier devenu trop intelligent pour continuer à désherber à genoux. Alors il a pris de la hauteur. Il a dessiné. Il a conceptualisé. Il a voulu écrire avec des arbres ce que d’autres écrivent avec des mots ou des notes. Il a troqué les bottes pour des plans en coupe, les mains dans la terre pour les mains dans l’abstraction. Et il a découvert une chose : créer un jardin, c’est exercer un pouvoir total.

C’est choisir qui vit et qui meurt. Ce qui pousse ici, ce qui est arraché là. C’est trier les espèces comme un douanier tyrannique. C’est faire de la nature un théâtre à sa gloire. On appelle ça du paysagisme. Moi j’appelle ça une forme douce de dictature verte.

Pourtant, on a besoin d’eux.

Oui. Parce que sinon, on laisse tout à l’abandon ou au carrelage. Entre la friche et la dalle béton, entre l’ennui et l’oubli, il y a ce territoire fragile que seul le paysagiste sait révéler. Il faut lui reconnaître ce talent : il sait faire parler les plantes. Il sait les assembler, les mettre en scène, leur donner du sens.

Et parfois, miracle : il s’oublie lui‑même. Il oublie son ego, ses lignes parfaites, ses modénatures fumeuses, et il laisse la place à quelque chose de plus grand. Un jardin qui ne se visite pas mais qui se vit.

Arborexia ou l'anti‑catalogue.

C’est là qu’intervient Arborexia, ce nom de secte verte, de mouvement poétique vaguement inquiétant. Eux, ils refusent les kits. Ils refusent les "jardins japonais" made in China. Ils refusent qu’on leur parle en m². Ce qu’ils vendent, ce n’est pas un espace vert. C’est une manière d’habiter le dehors.

Leur obsession, c’est l’équilibre. Mais pas l’équilibre facile, pas celui du catalogue de mobilier de jardin. Non, l’équilibre fissuré, vivant, accidenté. Celui qui fait que l’on ne comprend pas tout, mais que l’on ressent quelque chose. Quelque chose de profond, d’instinctif, de sensuel presque.

Et si le plus beau jardin était un jardin qu’on ne montre pas ?

Tu sais ce que c’est le vrai luxe ? C’est de ne rien poster sur Instagram. C’est d’avoir un coin d’ombre que personne ne connaît, une clairière inventée derrière la haie, un cerisier planté pour quelqu’un qui ne viendra plus. Ce que fait Arborexia, ce n’est pas de la déco d’extérieur, c’est du secret. C’est une zone intime. Une extension du corps. Du rêve. De la perte.

Et ça, ça ne s’achète pas. Ça ne se compare pas. Ça ne se partage même pas. Ça se vit.

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L’élagueur parle aux arbres. Et parfois, ils lui répondent.

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C’est un métier d’ascète. Un métier de silence. Là-haut, il n’y a plus de chef de chantier, plus de clients stressés, plus de voisins qui regardent. Il n’y a que l’arbre et lui. L’élagueur. Suspendu dans la lumière filtrée, entre ciel et sève, dans une sorte de parenthèse flottante où le geste compte plus que le mot.

Il faut interdire certains élagueurs. Définitivement.

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On ne devrait pas avoir à le dire. Mais il suffit de marcher dix minutes dans une ville moyenne pour tomber sur un platane scalpé, un tilleul humilié, un cyprès réduit à l’état de poteau grotesque. Et tout ça pourquoi ? Parce qu’un type payé à la journée, sans la moindre formation sérieuse, a confondu "taille douce" avec "massacre à la tronçonneuse". Ce n’est plus de l’élagage, c’est du sabotage.